Charlie
hebdo 1 – Mahomet 0.
Un
procès pour rien, celui des organisations musulmans
représentatives contre Charlie hebdo, qui avait
publié des caricatures jugées offensantes
pour cette religion.
En
effet, le 22 mars 2007, le tribunal n’a pu que prononcer
la relaxe au vu du peu d’arguments que développaient
les plaignants. Seule l'Union des organisations islamiques
de France a fait appel.
Un
verdict attendu mais qui risque de brider encore plus
la liberté d’expression des caricaturistes
qui sont quand même soumis à la bonne volonté
et au courage éditorial de leur directeur de publication
et rédacteurs en chef, il ne faut jamais l’oublier.
Aujourd’hui,
hélas, la liberté d’expression s’arrête
là où commence les intérêts
politiques ou économique d’une entreprise
de presse, et peu de titres peuvent revendiquer une liberté
quasi totale.
Apartés
Ce
procès de Charlie a été une bonne
affaire pour certains. Libération d’abord,
qui, avec son numéro de soutien consacré
au procès a vu augmenter ses ventes de 40%. Sans
compter que les nombreuses prestations des journalistes
de Charlie n’ont pas été
rémunérées.
Les
ventes de Charlie hebdo, elles, ont quasiment
doublées pour le numéro annonçant
le procès (115 000 ex), mais sont retombées
à 75 000 ex. pour le numéro suivant qui
rendait compte du procès.
A
noter que tous les autres journaux qui avaient publiés,
en soutien à Charlie, les dessins du quotidien
danois Jyllands-Posten, n’ont, eux, pas
été poursuivis, Le Nouvel Observateur, France Soir et Libération (qui
les a republiées le 7 février 2007).
Comme
argument de défense, les avocats de Charlie
ont montré à l’audience des dessins
qui s’attaquaient également au Pape, provoquant
alors l’hilarité publique du camp adverse.
Un argument qui a fait mouche.
Richard
Malka, l’avocat de Charlie hebdo qui défendait
dans ce procès la liberté d’expression,
accable par ailleurs de poursuites judiciaires le journaliste
Denis Robert dans l’affaire Clearstream, firme Luxembourgeoise
dont R. Malka est l’avocat en France pour les affaires
de presse.
Joli
coup médiatique de Nicolas Sarkozy, ministre de
l’Intérieur mais aussi candidat à
l’élection présidentielle qui, avec
une lettre envoyée à Philippe Val et lue
à l’audience, a apporté son soutien
à Charlie hebdo ("Je préfère
un excès de caricature à une absence de
caricature"). Il faut préciser que l’avocat
des organisations musulmanes, Me Szpiner, est aussi celui
de Jacques Chirac, avec qui N. Sarkozy semble vouloir
régler quelques comptes.
Johan
Sfar qui, dans la foulée, a publié ses croquis
d’audience sous le titre «Greffier »
(collection Shampoing des éditions Delcourt) a
bénéficié d’un publicité
à la Une du Figaro et du soutien de Libération.
Le gros album réalisé rapidement, trop rapidement,
la plupart des textes manuscrits sont illisibles et Philippe
Val a des cheveux, rassemble aussi les chroniques que
Sfar a publié dans l’hebdo lorsqu’il
y collaborait.
Des
lettres de menaces arriveraient à Charlie hebdo
au nom de Plantu qui ne collabore pas au journal.
En parallèle de cette affaire, Plantu le dessinateur
du Monde et de L’Express défend
dans les médias la position selon laquelle :
« les dessinateurs doivent continuer a être
irrespectueux tout en défendant les croyants ».
Extraits
du chat organisé par LeMonde.fr le 22
mars 2007. Dans sa dernière réponse à
un internaute, Plantu annonce une initiative le 11 avril
2007 (voir ci-dessous) :
[…]
Question :
Jérémie Fontanieu : Ne pensez-vous
pas normal, dans le monde au sein duquel nous vivons aujourd'hui,
qu'une certaine forme de retenue s'impose à l'égard
des communautés qui constituent notre pays ?
Plantu
: J'ai toujours pensé que les dessinateurs
de presse se devaient d'être impertinents, mais
devaient être aussi pertinents dans leur rigueur
journalistique. Cela veut dire que depuis que je fais
ce travail, au Monde, j'ai toujours trouvé normal
de pratiquer l'autocensure. Il est particulièrement
démagogique depuis des dizaines d'années
de faire croire aux lecteurs qu'un dessinateur a le droit
de tout se permettre. En me rendant au procès de
Charlie Hebdo le mois passé, une des collaboratrices
de Charlie qui témoignait nous disait : "En
tant qu'homosexuelle, je suis souvent choquée par
les dessins de mes petits camarades de Charlie, qui nous
traitent dans leurs dessins de pédés et
de gouines. Et d'ailleurs, il n'est pas rare que certains
dessins trop outrés soient écartés."
J'appelle ça de l'autocensure, et c'est bien normal.
Il faut en finir avec cette idée que les journalistes
libres ne pratiqueraient jamais l'autocensure. Cela m'énerve
prodigieusement, et je trouve très démagogique
de faire croire à des jeunes qu'on peut tout se
permettre. Cela étant, il n'est pas question qu'une
seule idée politique ou éditoriale ne soit
pas exprimée dans un journal, que ce soit en texte
ou en images. Rien ne doit être caché dans
les opinions, encore faut-il être malin au moment
où on les exprime.
[…]
Juliette
D : Allez-vous vous y prendre à deux fois
la prochaine fois que vous voudrez dessiner une caricature
où figure Mahomet ?
Plantu
: Je vous le répète, l'urgence n'est
pas de dessiner Mahomet. L'urgence, c'est de réaliser
des images dérangeantes sur les religions, et non
pas sur les croyants. C'est la raison pour laquelle je
fais revenir plusieurs dessinateurs laïques, chrétiens,
juifs et musulmans à Paris le 11 avril au ministère
de la culture, rue Saint-Honoré, et nous aurons
la grande chance de pouvoir débattre sur l'avenir
de la caricature. Seront présents Ali Dilem (Algérie),
Kichka (Israël), Ranan Lurie (Etats-Unis), Ramize
Erer (elle travaille à Istanbul, et ce sera passionnant
d'écouter une dessinatrice nous raconter comment,
en toute liberté, elle peut faire des dessins rigolos
sur les femmes en Turquie et sur l'islam). |